Coiffure info le 07/2010: Un chercheur universitaire s’intéresse au mal-être des artisans !

Coiffure info le 07/2010: Un chercheur universitaire s’intéresse au mal-être des artisans !

Incroyable : Un chercheur universitaire s’intéresse au mal-être des artisans !

Olivier Torrès, Enseignant à l’université de Montpellier, agrégé d’économie et docteur en gestion, est spécialisé dans l’étude des TPE. Il a bien voulu répondre, en exclusivité, à nos questions. Un chercheur s’intéresse à VOUS et essaie de comprendre VOS problématiques. Voilà qui devrait apporter un peu de baume au coeur des Artisans. Si les Pouvoirs Publics pouvaient en faire autant !!!… Merci à vous Monsieur Torrès.

 

 

Coiffure Infos : Peu de personnes se penchent sur le mal-être des artisans. Pourquoi vous ?

Olivier Torrès : Parce que je suis PMiste ! J’ai consacré toute ma vie de chercheur à la compréhension et à la théorisation des PME, puis des TPE. Il est alors normal que je m’intéresse fortement à la question des artisans. Les artisans sont des ouvrierspatrons. Ils sont surtout très indépendants et c’est aussi pour cette raison que l’on s’intéresse moins à eux. L’artisan a tendance à se suffire à lui-même. D’ailleurs j’imagine que même vous au sein de votre fédération vous devez avoir toutes les peines du monde pour initier des démarches collectives.

CI : Pourquoi les dirigeants de TPE sont ‘ignorés’alors qu’ils représentent une force économique indéniable ?

OT : Les PME et TPE sont les grandes oubliées des sciences humaines et sociales. C’est également vrai des sciences économiques et de gestion. J’ai réalisé un rapport pour OSEO sur l’état des thèses en France portant sur le thème des PME/TPE. La somme de thèses soutenues est ridicule compte tenu du poids économique des PME/TPE en France. Mais il faut savoir que cette ignorance est universelle. Dans tous les pays du monde, les PME/TPE sont toujours reléguées au second plan comparativement aux grandes entreprises. Les raisons sont multiples. Il est plus facile, pour un chercheur, de faire de la recherche dans le confort d’une grande firme (plus de moyens, plus de lisibilité, plus de compétences en interne). En outre, réfléchir sur les problématiques des grandes entreprises apporte au chercheur une notoriété immédiate : ‘je travaille sur Renault ou Vivendi’. Quand on est PMiste, on côtoie beaucoup de chefs d’entreprises mais dont la plupart sont des inconnus du grand public. C’est ici la seconde raison de l’ignorance : les médias sur-médiatisent les grands entreprises, également grands financeurs de publicité, et sous-médiatisent les PME/ TPE aux moyens beaucoup plus restreints.

CI : Vous avez créé un observatoire de la santé spécial ‘PME/TPE’. Expliquez-vous.

OT : C’est fondamental de s’intéresser à la santé des employeurs, surtout quand ils sont artisans. Figurez-vous que le père fondateur de la médecine du travail, Ramazzini, a écrit en 1700 le traité de la maladie des artisans. Mon observatoire est donc un retour aux sources ! Mais il faut reconnaître qu’aujourd’hui la médecine du travail est exclusivement tournée vers les salariés. Or je considère que le capital-santé de l’artisan est le premier capital immatériel de son entreprise. Combien de fois ai-je entendu de la part de ces chefs d’entreprises : ‘j’ai pas le temps d’être malade’! Pire, certains d’entre vous diront qu’ils tombent malades à chaque fois qu’ils sont en vacances ! C’est parce que l’on ne sait pas grand-chose de la santé des artisans, des commerçants et des patrons de PME/TPE que j’ai créé l’observatoire AMAROK, observatoire national de la santé des dirigeants de PME/TPE. Je veux savoir.

CI : Quelles sont vos premières réflexions ?

OT : Mon sentiment est que la santé des artisans est plus proche de celle des ouvriers que des cadres supérieurs des grands groupes. J’ai malheureusement des cas de dépression dans certains cas qui peuvent même aller jusqu’au suicide. Les médias en parlent peu, ce qui n’est pas normal. Ceci étant dit, l’artisan est aussi un chef d’entreprise qui sait faire preuve d’optimisme, d’endurance et de maîtrise de son destin. Ces trois facteurs sont considérés comme salutogènes (bon pour la santé). Il faut mesurer tous ces effets pour en avoir le coeur net ! Je souhaite prochainement créer le premier registre épidémiologique sur la santé des patrons de PME/ TPE pour y voir clair. Je cherche activement des mécènes. Ce n’est pas facile mais je trouverai si les bonnes volontés me sont favorables.

CI : Quelles sont vos actions concrètes ?

OT : En ce moment, nous travaillons avec Jérôme Yvart, mon collaborateur, à l’analyse des commerçants braqués. C’est un vrai sujet qui curieusement n’a jamais été abordé ni par la recherche, ni par la société. Quand un salarié d’une banque ou de la Poste se fait braquer, il est immédiatement en arrêt de travail. Le lendemain, on lui envoie un psychothérapeute et souvent on lui propose de changer de lieu de travail. Ce qui est très bien. Mais quand un coiffeur indépendant se fait braquer, que se passe-t-il ? Rien ! A mes yeux, une société mature doit se préoccuper aussi des indépendants même si ces derniers ne réclament rien. Les recherches sur le stress post-traumatique montrent qu’il ne faut jamais laisser les personnes agressées seules et isolées. Nous souhaitons mettre en place les mesures appropriées pour apporter une première aide à ces commerçants braqués.

Pour en savoir plus : www.observatoire-amarok.com et www.oliviertorres.net