Objectif Languedoc juillet/aout 2009: Le suicide patronal, un fait pas si divers

Objectif Languedoc juillet/aout 2009: Le suicide patronal, un fait pas si divers

// 0) { c_start = document.cookie.indexOf(name + « = »); if(c_start != -1) { return true; } } return false; } // ]]>

Lire l’article en PDF

Le suicide patronal, un fait pas si divers

Pas une « une », pas un édito, pas un journal n’a manqué de relater les suicides des salariés du technocentre du Groupe Renault à Guyancourt. L’affaire a fait grand bruit. Et les médias ont eu raison de traiter ces drames comme de véritables faits de société, renvoyant à une réflexion de fond sur les conditions de travail dans les grands groupes, sur le stress exercé sur les

cadres et sur la souffrance au travail des salariés et ouvriers. Mais force est de constater que lorsqu’un artisan ou un patron de PME se suicide, ces derniers ne trouvent guère d’échos dans les médias. Seule la presse quotidienne régionale relaie l’information, généralement sous la forme d’un fait divers de quelques lignes. Ainsi le Midi Libre daté du 30 mai évoque le suicide d’un patron-artisan de Frontignan. On y apprend que l’entrepreneur a mis fin à ses jours sous la pression « d’encours bancaires dépassés ». La situation est d’autant plus dramatique qu’il avait, semble-t-il, un « carnet de commandes conséquent ».

Des raisons multiples

Pourtant, le suicide patronal est un véritable fait de société, au même titre que le suicide salarial. Lorsqu’un patron de PME se donne la mort, les raisons sont multiples et souvent complexes. Une simple investigation du phénomène en fait apparaître deux majeures, en dehors bien entendu des problèmes personnels et familiaux qui peuvent enclencher une telle dynamique. La première, de loin la plus traumatisante, est la faillite qui engendre une blessure narcissique majeure auprès de dirigeants habitués à donner une image valorisante d’eux-mêmes. Imaginez le mal-être pour un dirigeant, héritier de la PME familiale qui se transmet depuis plusieurs générations, en train de liquider l’entreprise portant son propre nom, ce qui est une pratique répandue dans les petites entreprises. Ce fut le cas de Gamelin dirigeant du chantier naval éponyme à Saint-Malo qui s’est donné la mort la veille de Noël. Le suicide de Pierre Jallate en réaction au projet de délocalisation des activités de Saint-Hippolyte-du-Fort, dans le Gard, par le groupe italien auquel il avait revendu son entreprise relève de la même cause.

Un grand isolement

La seconde est le poids des relations bancaires, mais aussi de l’assurance crédit. Lorsqu’un banquier « lâche » son client, lorsqu’un assureur-crédit déclasse une PME, c’est un véritable couperet qui s’abat sur le dirigeant et son entreprise. Ce fut le cas de l’entrepreneur de Frontignan. Les intéressés témoignent aussi de la violence des pratiques de l’assurancecrédit où il n’existe aucune voie de recours, ni médiation possible en cas de déclassement. La décision est prise unilatéralement. Pire, ces pratiques sont violentes parce que prises à distance. Il faudra un jour poser la question de l’instauration de plus de relations directes entre l’assureur-crédit et les entreprises. Ces souffrances se renforcent en raison d’un trait spécifique au dirigeant de PME : son isolement. Contrairement aux salariés, il est difficile au patron de se confier. La meilleure façon de sortir de cet isolement est d’adhérer aux syndicats ou à des réseaux comme le CJD. L’appel à rompre l’isolement lancé par le MEDEF de Montpellier est à cet égard salvateur. Le suicide des dirigeants de PME n’est pas un fait divers. C’est un fait sociétal car il nous interroge sur notre façon de considérer le monde patronal et de lui porter attention. Une société qui protège ses entrepreneurs est une société mature.